Education : la discipline positive en 10 étapes
Moi, Marie LM, 41 ans, éreintée, je suis à la tête d’une meute difficilement domptable. Quatre garçons, dont des jumeaux, de 7 à 13 ans. J’ai tout essayé : fessés, confiscation d’iPod, système de points avec euros à la clé… Et puis, en mars, j’ai découvert la Discipline Positive. Une révélation. Enfin, on m’offrait de nouveaux éducatifs, différents des principes intériorisés depuis mon enfance. Enfin, on me proposait d’aller au-delà de la théorie et de comprendre le ressenti de l’enfant via des jeux de rôles. Avec le livre comme support et une formatrice géniale, mon mari et moi avons suivi sept séances de deux heures en groupe. Récit.
Une méthode qui fait fureur
Elaborée par Jane Nelsen, docteur en psychologie aux Etats-Unis, la Discipline Positive s’inspire des enseignements d’Alfred Adler… psychanalyste des années 30 ! Elle fait fureur en France depuis son adaptation en 2012 par la psychologue Béatrice Sabaté. Par le biais de son association, cette spécialiste de la discipline vous propose des ateliers et des conférences pour approfondir la méthode.
le temps de pause
Inutile de s’époumoner à en perdre la voix, faîtes un temps de pause dans vos disputes avec vos enfants, pour mieux reprendre le dessus.
Ma dernière escalade conflictuelle ? En janvier, avant la Discipline Positive. Exaspérée par la porcherie de mon deuxième, je lui ai crié que j’allais « jeter son foutoir ». Ça s’est terminé en bagarre : lui poussant la porte de sa chambre de l’intérieur, moi de l’extérieur. Lui me balançant un objet, moi une claque. Je tenais à ce qu’il obtempère. J’aurais dû faire un Temps de Pause, qui aurait permis de faire retomber la pression. C’est magique : à la dernière insolence (« T’étonne pas si on te trouve tous nulle ! »), j’ai dégainé un « Tu es en colère, mieux vaut en reparler tout à l’heure ». Le rebelle est venu s’excuser de lui-même. Bon, le truc, c’est que j’ai oublié que le Temps de Pause sans suivi (discussion + recherche de solution) relève du laxisme. En tout cas, ça fonctionne tellement bien que les enfants l’ont adopté ! Il y a une semaine, je hurlais sur mon aîné en le faisant travailler. Sans un mot, il a mimé le geste TP. J’ai baissé le ton tout de suite…
être compréhensif et chercher des solutions
Il est conseiller d’instaurer un réel dialogue entre vous et vos enfants pour qu’ils se sentent à l’aise et s’épanouissent. De cette façon, vous désamorcerez les conflits.
« Un enfant s’améliore lorsqu’il se sent bien », selon la DP. Le grand nous ramène un bulletin catastrophique. Avant, je lui aurais balancé « Ça ne m’étonne pas, tu fais trop le zouave, puisque c’est comme ça, iPod supprimé». Là, je l’ai joué « Tu dois être déçu » (je comprends ses émotions et reformule ses ressentis), « qu’en penses-tu ? (je suis à l’écoute), « qu’est-ce qui pourrait t’aider ? » (je rends mon fils acteur de la solution). En confiance, il nous explique qu’il s’est enfin fait des copains (au bout d’un an et demi de collège) et que, c’est vrai, il pense davantage à s’amuser. Notre réponse ?« Ok pour les copains mais en dehors des cours ». Fausse route : notre accord n’ayant pas été assez précis (temps, limite), notre fils recommence à considérer l’école comme un terrain de jeu. Autre recherche de solution pour son cadet, toujours en retard. Se lever plus tôt ? Chercher ses chaussures la veille ? Là, le plus efficace consiste à le laisser affronter les « conséquences naturelles » de ses actes : arriver après la fermeture des portes.
la conséquence logique
Raisonner les punitions pour que vos enfants comprennent réellement pourquoi ils sont punis.
A travers un exercice, je prends conscience que la punition provoque revanche, rébellion, ressentiment ou retrait (« la prochaine fois, je ne me ferai pas prendre » ou « je ne vaux rien »). L’autre voie, c’est la Conséquence Logique. Soit une décision du parent par rapport au comportement de l’enfant. Elle doit être 4 ‘’R’’ : Reliée (en lien avec le comportement), Respectueuse (pas de dévalorisation, culpabilisation ou humiliation), Raisonnable et Révélée à l’avance. S’il manque un R, c’est une punition déguisée. Donc, les iPods Touch. D’un commun accord, nous avons décidé qu’ils en profiteraient une demi-heure le mercredi et le samedi, une fois les devoirs terminés. En cas de triche, pas d’Ipod la fois suivante. Autre type de CL : mes enfants sont prévenus que je lave uniquement ce qui se trouve dans le panier à linge. Quand ils n’ont plus de chaussettes propres, bizarrement, ils reçoivent le message.
la réparation
Selon cette méthode d’éducation, il convient de punir ses enfants, si besoin, à condition de le aire intelligemment. On vous explique.
Appel du collège en avril : l’aîné a gribouillé des obscénités sur une affiche en salle de perm’. Deux heures de colle. Je joins ma formatrice : ça mérite tout de même une petite sanction, non ? « Ré-pa-ra-tion », insiste-t-elle. Je demande donc au principal que, au lieu des heures de colle, mon fils nettoie le réfectoire. Hier, le grand, toujours lui, a volé 40 € dans mon portefeuille. Il nous a avoué avoir acheté une DS d’occasion. Deux réparations possibles : la rendre au vendeur ou faire cinq heures de ménage pour nous rembourser. De notre côté, il va falloir reconsidérer la question de l’argent de poche.
un comportement correspond à un besoin
Un peu de recul sur une situation permet de mieux cerner les attentes et les besoins d’un enfant.
Mon deuxième a manqué de respect à une amie en lui touchant les fesses. Ne pas céder à l’appel de la claque ! Temps de Pause. On respire. Il revient vers moi de lui-même : « Personne ne faisait attention à moi, alors j’ai voulu faire rigoler les copains. » Moi : « Et que comptes-tu faire ? » « M’excuser… mais aide-moi, j’ai trop honte… ». Chaque comportement inapproprié correspond un objectif-mirage (attirer l’attention, prendre le pouvoir ou sa revanche, confirmer sa croyance d’incapacité) derrière lequel se cache… le vrai besoin de l’enfant.
savoir encourager et valoriser ses enfants
Impératif de savoir bien encourager son enfant, et de le faire de la bonne façon. On vous dit comment, selon cette méthode éducative.
L’encouragement est à l’enfant ce que l’eau est à la plante. Il lui insuffle force et confiance en lui, contrairement à la récompense et au compliment, plaisants sur le moment mais qui, à terme, risquent de le rendre dépendant de l’approbation de l’adulte. Aujourd’hui, je dis à tout bout de champs « Tu peux être fière de toi’ » plutôt que « Je suis fière de toi ». Autre type d’encouragement : valoriser. Même sur un détail infime. Récemment, alors que je reprochais à mon aîné de ne pas maîtriser son contrôle du lendemain et lui interdisais d’aller dormir chez un copain, il s’est écrié : « Si, j’ai travaillé ! Vous ne voyez jamais mes bonnes notes. Puisque c’est comme ça, je ne ferai plus rien ». Exaspérée, j’ai quitté sa chambre sans lui dire bonsoir… avant de rappliquer vingt minutes plus tard pour reconnaître mon erreur, démarche essentielle en discipline positive ( « C’est effectivement absurde de t’empêcher de dormir chez ton ami »), nous réconcilier (« C’est vrai, bravo pour tes efforts ») et résoudre le conflit (il s’est engagé à réviser l’interro dans le bus pour aller au collège). Je me suis épatée.
Le temps dédié
Jane Nelsen écrit que le temps dédié est une bulle d’amour inconditionnel, d’attention exclusive, de présence à l’autre, un bonheur partagé. Ce temps dédié n’est pas une récompense et encore moins un privilège mais un moment essentiel pour l’épanouissement de l’enfant.
C’est l’une des choses les plus encourageantes que les parents puissent faire pour leurs enfants : passer un temps régulier, programmé, « juste pour l’enfant », comme un cadeau. Pas un temps obligatoire, ni occasionnel, mais un vrai temps garanti et dédié. – Jane Nelsen
Eteindre le portable renforcera pour l’enfant l’idée que ce temps est prioritaire à nos yeux.
le temps en famille (TEF)
Il est essentiel de prévoir des moments spécifiques, où toute la famille peut se voir et discuter.
Le but, c’est de se réunir pour passer un bon moment ensemble, renforcer l’unité et fixer les règles de la maison avec les enfants (solution idéale pour qu’ils les appliquent). Trois étapes : commencer par un tour de gentillesses, trouver des solutions aux problèmes du quotidien et prolonger par un jeu. Nous décidons de nous réunir à l’heure de l’apéro le week-end (les chips servant d’appât). Premier TEF : des disputes autour des chips, des roulades par terre, des ‘’merci de ne plus faire caca dans ta culotte’’, bref un fiasco. Bilan ? Ne pas essayer d’atteindre les 36 compliments (nous sommes 6) et démarrer en douceur. Au deuxième essai, waouh, ils se parlent gentiment ! « Merci, car tu ne m’appelles plus minicrotte », « Merci, car tu ne voles plus mes affaires », « Merci, car tu ne fais plus de crises qui m’empêchent de dormir »… On a plaisir à être ensemble, on s’écoute. Lorsque j’évoque la saleté des toilettes-salle de bains, on vote l’idée que chacun sera responsable d’une tâche hebdomadaire (WC, lavabo, salle de bain, douche) en plus des tâches quotidiennes. Point à aborder au prochain TEF : la lumière toujours allumée, le petit déjeuner jamais rangé…
toute erreur permet d’apprendre
Si vous trouvez difficile de maîtriser chaque étape de la Discipline Positive, c’est normal. Elle prend du temps à être mise en place, alors on ne se décourage pas.
Les résultats de ma formation se font rapidement sentir : je suis plus sereine, la maison est plus calme et la Discipline Positive m’aide aussi beaucoup pendant les vacances. Néanmoins, à part le Temps de Pause et le Temps en Famille, je maîtrise encore mal les outils. Surtout le suivi des solutions. Difficile de trouver le bon curseur entre bienveillance et fermeté. La Discipline Positive demande beaucoup d’énergie et j’ai parfois des envies de sanctions. La formatrice me rassure : c’est un long processus et les erreurs sont sources d’apprentissage. D’accord, je reste motivée !
Pour plus de renseignements, consultez La Discipline Positive (éd. Du Toucan), 400 pages, 19,90€.