4 conseils pour apaiser son émotivité
Jugés fragiles dans une société qui privilégie la maîtrise de soi, les émotifs s’empoisonnent la vie. Pourtant, cette grande sensibilité est aussi une force, à condition d’en comprendre le mécanisme.
"Bonjour. Angélique, émotive", chuchote dans un souffle Isabelle Carré avant de s’évanouir face à son groupe de thérapie. Dans le film de Jean-Pierre Améris Les Émotifs anonymes, l’héroïne qu’elle incarne tente tant bien que mal de vivre avec ce qu’elle considère comme un handicap majeur. Pour la psychothérapeute et médecin Catherine Aimelet-Périssol, ce trait de personnalité n’est pas un drame. Il n’est qu’« une façon de ressentir son émotion, de signaler le rapport que nous entretenons avec elle. Mais nous vivons dans une époque où règne un diktat du bien-être. Et comme les émotions que nous éprouvons provoquent inévitablement en nous un temps de mal-être et nous déstabilisent physiologiquement, elles sont de moins en moins acceptées. »
Une émotion est d’abord et avant tout un événement du corps. Un événement qui le déséquilibre momentanément : nausée, transpiration, changement brutal et spectaculaire de couleur de peau… La vie professionnelle de Marie, 37 ans, directrice de communication d’un grand organisme syndical, est paralysée depuis des années par ses rougissements intempestifs qui la décrédibilisent : « Chaque fois que l’on me complimente, je deviens écarlate. Mes supérieurs se moquent de moi. À un moment, l’un d’entre eux s’amusait même à me faire rougir. Heureusement, il est parti, mais je me sens extrêmement fragilisée et désarmée par ma faiblesse. Et plus j’essaie de me contrôler, plus les choses s’aggravent. »
3. S'isoler quelques minutes
À ceux dont la machine intérieure s’emballe, Saverio Tomasella recommande de s’isoler, d’essayer de se retrouver seuls avec eux-mêmes quelques instants : « Le seul moyen de s’en sortir est de se réfugier dans la solitude : un bref moment qui peut ne pas durer plus de cinq minutes. » Il s’agit juste d’éviter les stimulations extérieures que notre interaction avec les autres engendre, afin d’être capables de faire face à la situation qui nous a bouleversés. Sinon, un effet boule de neige risque de se produire. Ce moment pour se calmer peut être propice à l’introspection, à une tentative d’élucidation. Car « comme ce phénomène est d’abord physiologique, il est difficile de mettre des images et des mots sur ce malaise diffus, difficile de percevoir, de reconnaître et de nommer soi-même l’émotion », résume le psychanalyste.
S’intéresser au circuit qu’elle emprunte dans le cerveau, porter son attention sur elle permet de ne pas se sentir impuissant et de réduire son émotivité. Catherine Aimelet-Périssol plaide pour un traitement par la connaissance : « La première chose à faire est d’essayer de s’intéresser au fonctionnement et aux mécanismes cérébraux. C’est un outil extraordinaire de connaissance de soi qui peut nous réconcilier avec nos émotions. Ces dernières sont avant tout provoquées par notre système immunitaire. Savoir les repérer et les cartographier nous aide et nous rassure quand nous sommes envahis par elles : comme avec un GPS, cela nous donne des repères pour mieux nous orienter. »
Passé cette exploration intérieure, Antoine Pelissolo conseille, lui, d’observer quand l’émotion surgit : que se passe-t-il exactement en vous à ce moment-là ? Dans quelles circonstances cela arrive-t-il ? Il s’agit d’essayer de prendre de la distance. « Quand on a identifié les causes, il est possible de s’apercevoir que ce n’est pas magique, que ce phénomène ne tombe pas de nulle part, mais qu’il correspond à quelque chose qui s’est passé en soi. Le but est de trouver des moyens d’autoapaisement, de corriger l’excès par soi-même, en évitant de mettre de l’huile sur le feu. »
4. Se relier à son corps
Il faudrait donc, dans l’ordre, accepter, comprendre, analyser afin de ne plus être collés à l’émotion. Et ensuite ? Tous les thérapeutes préconisent un retour au corps. Il s’agit de reprendre contact, de se familiariser avec lui. Ce traitement du mal par le mal dépend de chacun. « Il peut prendre la forme d’une activité soit énergique pour ceux qui ont besoin de décharger leurs pulsions, leurs tensions (course à pied, sports intenses…), soit apaisante (yoga doux, marche dans la nature) », détaille Antoine Pelissolo.
L’émotivité a évidemment un lien avec la respiration. Tout s’emballe quand le souffle se bloque. Il faut essayer de le travailler pour qu’il devienne ample et doux. Saverio Tomasella précise : « La méditation ou alors des mouvements très simples du corps, des balancements, des petits sautillements, calment et libèrent la respiration. En plus de cela, je recommande une activité artistique aux personnes très sensibles. Peu importe laquelle du moment qu’elle passe par le corps : danse, chant, peinture, sculpture… » Le théâtre, la comédie sont également citées par Antoine Pelissolo comme excellent antidote : « Endosser un rôle permet de vivre des émotions, d’en garder le contrôle sans tenter de les supprimer, de les maîtriser sans tenter de les tuer. » Un moyen ludique de ne plus se sentir manipulé par elles, comme les fils qui agitent des pantins désarticulés. De cesser, avec bonheur, d’en être le jouet.
Que faire si vous vous senté "agressé(e)" ?
Les suggestions d’Antoine Pelissolo, psychiatre et psychothérapeute.
Le dialogue semble possible : « Exprimez-vous de la manière la plus posée mais aussi la plus ferme possible, sans agressivité. Rappelez vos droits, argumentez et répétez à l’autre : “Je ne peux pas accepter cela.” C’est ce que nous appelons la technique du disque rayé. »
Le dialogue est impossible : « Face à quelqu’un qui hurle, arrêtez toute discussion et dites : “Nous poursuivrons cette conversation plus tard.” Pour y parvenir plus facilement, travaillez votre confiance en vous et votre capacité à vous affirmer. Entraînez-vous éventuellement au calme : exercez-vous à dire ce que vous avez à dire seul devant votre glace. Cela peut paraître ridicule mais ne l’est absolument pas. Et c’est très efficace. »