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Publié par Maître ZEN

 

Débordés, assaillis par le stress, nous rêvons tous de trouver en nous calme et silence. Réservée hier aux seuls initiés, la méditation séduit de plus en plus en Occident. Ses atouts ? Simplicité et efficacité.

Pascale Senk

Méditer, le voyage vers soi-même

Comment ne pas être happé par l’agitation ambiante ? Comment éviter les tranquillisants pour se calmer ou les excitants pour agir plus, et plus vite ? Bien sûr, il y a le sport. Mais il renforce davantage les muscles que l’équilibre intérieur. Il y a aussi les loisirs pour se détendre le week-end. Mais le divertissement abolit rarement l’angoisse et le stress. Certains tentent donc d’autres voies.

 

Sylvie, 38 ans, représentante médicale, s’est trouvé un rituel personnel pour dépasser sa peur de l’avion lors de ses nombreux déplacements professionnels. Quelques instants avant d’embarquer, elle se réfugie dans la chapelle high-tech mise à la disposition des voyageurs à l’aéroport d’Orly. Prie-t-elle pour demander secours à Dieu ? Non. Elle retourne à ses propres forces. « Je m’assois dans le silence une quinzaine de minutes et j’écoute passer toutes les mauvaises pensées qui m’assaillent, comme “il va y avoir des turbulences”. Au bout d’un long moment, si je respire profondément, l’agitation se calme, je sens que je peux reprendre le voyage. »

Pour Pierre, 43 ans, cadre dans le secteur automobile, une marche "en conscience" de vingt minutes, pratiquée chaque jour dans le parc situé près de son lieu de travail, a le même effet : « Je sens que ça ouvre des espaces libres à l’intérieur de moi. Ensuite, j’arrive régénéré aux réunions de l’après-midi. »

 

 

 

Revenir à soi

Tel est le paradoxe de notre époque. Pour rester productifs, responsables et en phase avec un monde technologique avide de performances, Sylvie et Pierre, au lieu d’aiguiser les armes attendues de la combativité et de l’agitation, choisissent de "se retirer en eux". « Semblables au dragon dans l’eau et au tigre retrouvant sa forêt profonde » : ainsi que l’expliquait maître Dôgen au XIIIe siècle, chacun à leur façon, ils méditent. Pour ce moine – l’un des plus importants de l’ordre zen – comme pour tous les premiers pratiquants de la méditation, s’asseoir en silence revenait à suivre le chemin pris par Bouddha. Un chemin très long et très exigeant qui, comme le leur rappelait la règle du "mushotoku", devait être entrepris "sans but ni esprit de profit". Il serait probablement surpris de voir comment nos sociétés se l’approprient aujourd’hui.

 

Il y a encore une trentaine d’années, ces techniques de méditation pratiquées en Inde ou au Japon depuis la nuit des temps étaient ignorées de l’Occident, voire dédaignées. Le philosophe Roger-Pol Droit s’étonne encore du silence total de ses professeurs sur la philosophie asiatique : « Au cours de mes longues années d’études, on ne m’en a rien dit. » Lorsque, en 1968, à la pointe de leur époque, les Beatles annoncèrent publiquement qu’ils pratiquaient la méditation transcendantale, les médias ricanèrent. Méditer était alors perçu comme un nouveau paradis artificiel favorisant la fuite devant le réel.

 

Aujourd’hui, l’Occident redécouvre le pouvoir de l’intériorisation. En décembre 1999, dans une enquête BVA pour notre magazine, un tiers des Français avouaient prier ou méditer régulièrement. Un article récent de “Time” (numéro de juillet-août 2003) fait le point sur son utilisation dans les écoles, prisons ou hôpitaux américains. Et, depuis quelques années, les scientifiques confirment ses bienfaits pour lutter contre le stress.

 

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Rencontrer le vide

Encore faut-il s’entendre sur ce que le terme de « méditation » recouvre exactement. Pour Jacques Choque, professeur de yoga depuis plus de trente ans, auteur de nombreux livres sur ce thème, la plus grande confusion règne. « On prend la méditation comme une méthode. Or, c’est un état d’être que l’on atteint grâce à des techniques différentes : “zazen”, assise immobile ou yoga… »

Leur point commun, un voyage qui se décline toujours en quatre étapes : maintien d’une posture précise, temps de concentration pendant lequel on tente d’apprivoiser « les chevaux indisciplinés du mental », observation de ses pensées, et enfin entrée dans l’état méditatif à proprement parler. Toutes ces approches ont un seul et même but : permettre à l’esprit de se clarifier et de s’apaiser. Différentes de la relaxation – qui vise au relâchement du tonus musculaire –, elles reposent au contraire sur une grande vigilance. « Lorsque l’on tient les rênes de ce cheval fou qu’est le mental, explique Jacques Choque, peu à peu, on perçoit de plus en plus d’espace entre les galops. »

C’est cette rencontre avec le "vide", la "non-pensée", "l’infini", prise de contact d’abord très furtive, puis plus fréquente grâce à une pratique régulière, qui est le but du voyage. Bernard Auriol, psychiatre et psychanalyste, a donné un nom à cet "état d’être" si difficile à décrire : l’état d’éveil paradoxal (consulter le site auriol.free.fr). Il s’ajoute aux états moins méconnus – veille, sommeil ou rêve – dont nous aurions besoin pour nous ressourcer, et être plus présent au réel. « Quand on est plongé dans cet état, on ne s’en rend pas compte, puisque l’on ne pense plus. Mais quand on en sort, on se sent vraiment bien. »

 

 

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Affronter ses zones d’ombre

Mais ce sésame tant recherché, ce sentiment "d’enstase" – quand tous nos sens reviennent vers notre intériorité – ne se laisse pas atteindre si facilement. « Contrairement au loto, à la méditation, on gagne quand on ne trouve rien ! » plaisante Bernard Auriol. Avant d’y accéder, il faut « rentrer dans le béton », selon l’expression d’un maître indien, c’est-à-dire affronter ses zones d’ombre, comme dans tout travail personnel. Marc, 70 ans, pratique la méditation, environ quarante minutes tous les soirs, depuis une trentaine d’années. Cadre dans des multinationales, il a utilisé cette discipline régulière comme une alliée contre le stress : « J’avais beaucoup plus de concentration et de facilité à rebondir, malgré les pressions. »

Mais ce voyage intérieur a aussi consisté à ouvrir une boîte de Pandore : « J’ai parfois eu des périodes dures où des pensées cruelles, mesquines refaisaient surface… » Mais ces crises, paradoxalement, le renforçaient : « Des phases d’immense bien-être, d’accès à une forme de transcendance m’ont fait découvrir, peu à peu, que tout – même les remises en question et les drames – passe. » Le sens de la vie, le vide béatifique, le goût de l’essentiel, voilà ce vers quoi peut mener une pratique régulière de la méditation. Selon Bernard Auriol, elle oblige à « laisser tomber les oripeaux du paraître ». Chacun y trouve ce en quoi il croit. Pour l’athée, le « rien ». Pour le bouddhiste, l’éveil, ou satori. Pour le chrétien, le mystère du Christ.

 

Le sociologue Frédéric Lenoir note, aujourd’hui, un véritable besoin d’« éprouver Dieu en soi ». La pratique de la méditation qui se multiplie est pour lui liée à cet appel intime : « Ce ne sont pas seulement les convertis ou les proches du bouddhisme qui apprennent à méditer, mais des juifs ou chrétiens qui cherchent, par cette technique orientale, à apprendre ce silence intérieur favorisant la présence à Dieu (in “Les Métamorphoses de Dieu”, Plon, 2003). »

 

Le voyage offert par la méditation s’expérimente sans norme, et se vit dans l’intimité avec soi-même. En cela aussi, il semble bien être un instrument de liberté.

 

L’AVIS DU SPECIALISTE : « On peut méditer à partir du plus banal »

Chercheur en philosophie au CNRS, spécialiste de la découverte par l’Europe du bouddhisme et des systèmes de pensée orientaux, Roger-Pol Droit invite, dans ses livres (1), à méditer de façon originale sur le quotidien et les objets qui nous entourent.

Psychologies : “Imaginer que l’on va mourir”, “attendre sans rien faire”, “enlever sa montre”…, autant d’exercices décrits dans vos livres. S’agit-il de méditations ?
Roger-Pol Droit : Pas au sens oriental du terme, qui invite à une expérience psychique comme évacuer ses pensées ou visualiser. Il ne s’agit pas non plus de la méditation au sens qu’emploie Descartes, à savoir une investigation purement intellectuelle, et théorique. Ce que je tente de susciter, c’est un rapport différent au quotidien. Des jeux pour ébranler nos certitudes. C’est une méditation exploratoire, ce n’est pas la conséquence d’une doctrine.

… Et qui peut partir d’un billet de train, d’un bol ?
On peut méditer à partir du plus banal. Si l’on admet que des êtres parlants ont façonné tous ses objets, on peut percevoir leur présence, retracer une histoire, recomposer des bribes de sens. Ainsi, lorsque je regarde un bol, je pense qu’il a toujours accompagné l’humanité. Le retrouver dans nos cuisines aujourd’hui peut être très émouvant.

(Propos recueillis par Pascale Senk)

1- “101 Expériences de philosophie quotidienne” et “Dernières Nouvelles des choses”
(Odile Jacob, 2003).

 

A LIRE :

• “La Méditation pour tous” de Jacques Choque.
Une approche détaillée des postures menant à l’état méditatif. Par un grand spécialiste et pratiquant (Grancher, 2003).

• “A chacun son équilibre” de Mariel Hemingway.
Comme beaucoup d’autres « people », l’actrice américaine a changé sa vie grâce au yoga et à la méditation. Son récit, sincère et profond, raconte un parcours intérieur (JC Lattès, 2003).

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Commenter cet article

G
<br /> C'est vrai il faut affronter ces propres zones d'ombres, ça peut faire peur au début mais après on se sent bien mieux. Moi j'utilise la technique de la respiration, ça fonctionne bien. Ou alors<br /> de la musique décontractante (même au boulot) :-) bonne continuation<br />
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