Avez-vous trouvé votre place ?
Prendre sa place dans une réunion, avoir la sensation d'être assis entre deux chaises ou avoir peur de se la faire piquer… La notion de place est au cœur de la réalisation de soi. On peut passer toute sa vie à la chercher sans la trouver ou penser l'avoir trouvée et se rendre compte qu'on n'y est pas bien. Professionnellement aussi, savoir si on est à la bonne place est important. Nos clés pour la trouver et la garder !
Au bureau, Emilie a souvent la sensation d'être sur un siège éjectable. Le poste que briguait Julien lui est encore passé sous le nez. Isabelle a souvent la sensation de ne pas être à la bonne place et Hugo celle d'être assis entre deux chaises… Connaître sa place, l'occuper et la garder ne va pas toujours de soi. Au doute, s'ajoute parfois l'inquiétude, alors qu'on aspirerait à une évidence. Quels enjeux se cachent derrière la question de la place, pourquoi avons-nous parfois tant de mal à la trouver ? Réponses de Sarah Sériévic*, psychothérapeute, spécialisée dans le psychodrame.
Une sensation intérieure !
Peut-être avez-vous déjà eu cette impression soudaine d'être au mauvais poste ? Peut-être vous êtes-vous demandé ce que vous faisiez là ? La notion de place est avant tout un sentiment intérieur. Quand nous l'avons trouvée, tout à coup, nous nous sentons bien, reconnu et valorisé et donc plus motivé et enclin à nous impliquer. Assurément, c'est ce que nous visons sans toujours pouvoir le nommer dans le cadre de notre travail !
Sur le plan professionnel, confirme Sarah Sériévic, "nous sommes à notre place, dès lors que nous sentons qu'il y a un potentiel d'évolution possible et que nous pouvons y participer, tant pour soi que pour le groupe". Nous avons alors le sentiment d'être un maillon juste, à une place juste. Pourtant ce n'est pas toujours le cas ! Nous attendons trop souvent que quelqu'un nous la donne, alors qu'en réalité nous sommes le seul à pouvoir le faire. Tout dépend de la place qu'on s'attribue à soi-même. Se sentir légitime, avoir conscience de sa valeur et de ses compétences sont autant de sésames qui agissent en notre faveur !
L'importance de la fratrie
Notre histoire familiale influe plus ou moins favorablement sur nos capacités à nous faire "une place au soleil". Dès l'enfance, nous nous y sommes confrontés. Nos premiers enjeux de territoire ont bel et bien eu lieu au sein de la fratrie. Déjà avec nos frères et soeurs, nous nous disputions la bonne place. L'aîné, à qui l'on avait accordé toute la place, défend ses privilèges à l'arrivée du second. Quant à lui, si un troisième enfant arrive, il se retrouve au milieu ! Pour obtenir l'attention de ses parents et prendre la place du petit dernier, il peut passer son temps à s'adapter au désir de ses parents ; à être plus grand ou plus petit. Souvent assis entre deux "chaises", il a du mal à choisir sa place !
Autre élément déterminant : le regard que nos parents ont porté sur nous, qu'ils nous aient valorisé ou pas. Une fois adulte nous rejouons des scénarios qu'il va nous falloir "décoder" pour prendre sa place.
Votre place est sans cesse à reconquérir
Vous bossez dur, c'est indéniable, mais sans en recevoir les lauriers. Résultat, il vous semble que vous devez sans cesse prouver que cette place vous appartient.
Décodage : Vous êtes méritant, c'est sans doute ce qu'on dit de vous. Courageux et persévérant, vous méritez votre place au soleil, mais c'est comme si vous restiez dans l'ombre… On peut même dire que vous êtes discret. Mais est-ce vraiment ce que vous souhaitez ? Selon Sarah Sériévic, "l'idéalisation d'un parent peut être à l'origine de cette difficulté !". Quand on a beaucoup admiré un père ou une mère, c'est parfois difficile d'oser prendre sa place avec sa valeur propre. La représentation idéalisée de celui-ci peut entraver une réalisation personnelle.
Nos conseils : Vous vous êtes construit sur une vision idéale d'un père et d'une mère, trop parfait. Pour en sortir, cherchez la place qui est la vôtre en prenant le risque de faire des erreurs et de vous montrer imparfait…
Vous avez le sentiment d'être sur un siège éjectable ?
Vous avez la sensation de vous fondre dans la masse, peut-être même vous confond-on avec quelqu'un d'autre. Résultat, tout un chacun pourrait occuper votre place, sans que cela fasse vraiment une différence. Bref, vous n'avez pas le sentiment d'être irremplaçable.
Décodage : La notion de place est en lien avec le territoire, qui peut être un espace physique. A ce titre, les bureaux en open space ou nomades brouillent fortement les cartes. Se voir attribuer un projet, puis en changer pour un autre, de façon répétitive, peut entraîner certaines perturbations. "D'une part, nous avons besoin d'une bulle nécessaire à notre intimité pour développer nos compétences et notre identité propre et d'autre part de nous engager, de nous impliquer", analyse Sarah Sériévic. Dès lors que ces contours deviennent flous, la confusion s'installe et avec elle le sentiment d'être interchangeable. Ça n'a rien d'étonnant !
Nos conseils : Donnez-vous les moyens de cerner votre unicité en pratiquant l'affirmation de soi. Ainsi vous accéderez à cet espace intérieur où résident vos ressources. Faites preuve d'originalité !
Votre collègue prend toute la place
Le moins qu'on puisse dire, c'est que, lui, ne se pose pas de questions existentielles. Il se met toujours en avant, voir vous passe devant, persuadé que l'on attend que lui.
Décodage : Il a un besoin irraisonné d'exister. La faute à sa blessure narcissique ! Elle peut provenir de parents qui l'ont survalorisé dans l'enfance. En lui "collant" cette étiquette de "héros", l'enfant est tenu d'y adhérer pour leur plaire. Il est donc dans obligation d'occuper cette place qu'on lui attribue… Une fois adulte, aussi ! "Il persiste à répondre au désir parental et à occuper des places hautement valorisantes, sans en avoir réellement les compétences" explique Sarah Sériévic. Ce qui le met dans une grande fragilité qu'il compense par une assurance, en réalité factice ! C'est un enfant qu'on n'a pas vu tel qu'il était et qui fait tout pour se "montrer". Sa faille : seule l'identité sociale compte… A l'heure de la retraite, un vide existentiel peut tout à fait surgir.
Nos conseils : Quand vous y êtes confronté, osez-vous positionner, faites valoir votre point de vue, sans attendre qu'il change de comportement. Le plus important est de connaître votre place.
- Catherine Maillard
(*) Psychothérapeute, formée au psychodrame par Anne Ancelin Schützenberger, elle a élaborée une forme originale de thérapie, "le théâtre authentique".