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Publié par Maître ZEN

 
La méditation peut-elle guérir ?

Le lama tibétain Phakyab Rinpoché affirme avoir sauvé sa jambe de l'amputation en se livrant corps et âme à la méditation. Alors que les médecins ne lui laissaient aucun espoir, il s'est astreint à une véritable retraite thérapeutique, couronnée de succès. Le psychanalyste Olivier Douville l'a rencontré. S'il n'explique pas cette incroyable guérison, il estime cependant que nous avons beaucoup à apprendre des philosophies orientales dans le rapport au corps. Entretien. 

Isabelle Taubes

 

Le docteur Lionel Coudron, grand connaisseur du yoga et de la méditation, a eu accès au dossier médical du lama Phakyab Rinpoché. Selon lui, sa guérison peut s’expliquer par des processus neurophysiologiques naturels. Comment vous, psychanalyste, qui avez rencontré Phakyab Rinpoché, l’expliquez-vous ?

 

Olivier Douville : Je ne l’explique pas, justement. Cette guérison est un défi pour la psychanalyse et la médecine. Mon premier réflexe a été de me plonger dans l’histoire des miracles recensés par l’Eglise. Jamais on a vu des os se reconstituer de cette manière. Un canular ? L’hypothèse est tentante. Mais après avoir rencontré Phakyab Rinpoché, je préfère m’interroger : « Et si c’était vrai ? ». Il est convaincu que la méditation l’a sauvé. Pour ma part, je ne parierai pas sur les causes réelles de son rétablissement. Selon le docteur Lionel Coudron, en méditant, Phakyab Rinpoché  a donné à ses cellules souches de tissus, de cartilage et d’os, la capacité de se reproduire. Il pose que dans chaque cellule de notre organisme se trouve la totalité des plans de notre corps. Nous, occidentaux, aurions perdu cette capacité naturelle d’agir sur nos cellules. C’est un point de vue ! D’ailleurs comment prouver les effets curatifs de la méditation ? Une telle étude impliquerait de priver un malade de tout autre traitement. Puis d’observer comment son état évolue.  Aucun médecin ne s’y risquerait. Si je risque une hypothèse, c’est qu’il se pourrait que plus on oublie son narcissisme, son reflet dans le miroir, plus on développe une mémoire du corps  – possiblement inscrite dans les gènes.

Dans une psychanalyse, symptômes physiques et maladies ne régressent-ils pas aussi d’une manière inexplicable ?

 

Olivier Douville : Si bien sûr. Freud en son temps a parlé d’une pulsion de guérison. Et spontanément les patients se placent en état de méditation, d’auto-hypnose. Le divan est aussi fait pour cela. La psychanalyse et le bouddhisme ont en commun de refuser la séparation du corps et de l’âme. Toutefois nous ne parlons pas d’ « esprit », plutôt d’énergie psychique, de libido, ou de narcissisme ayant une action thérapeutique sur le corps. Mais nous ne savons rien de cette énergie psychique : c’est une hypothèse de travail. Là où le bouddhisme et la psychanalyse ne sont pas à égalité, c’est que la seconde est incapable d’inventer une théorie de la guérison ou une théorie psychosomatique convaincante. Pour l’instant, aucune n’est satisfaisante. Dans la symbolique bouddhiste, le rétablissement « miraculeux » de Phakyab Rinpoché ne choque pas. Justement parce que le matériel philosophique et spirituel pour l’envisager est là, disponible.

 

La méditation peut-elle guérir ?

Phakyab Rinpoché a l’ambition d’utiliser sa propre histoire pour guérir l’humanité. Un psychanalyste pourrait-il s’en inspirer ?

Olivier Douville : Je crois que nous avons beaucoup à apprendre des philosophies orientales dans le rapport au corps, dans les relations entre psychisme et corps. Mais aussi qu’il ne faut pas considérer ce livre comme un simple document ethnographique sur la pensée tibétaine. Il nous concerne tous – dans notre relation à notre corps. Je pense aussi qu’il faudrait en finir avec ce terme de « corps » - que le même mot désigne le corps biologique, le corps malade, le corps de plaisir, l’image de soi ou le cadavre, n’est pas pertinent. En ce qui concerne la valeur du témoignage de Phakyab Rinpoché, beaucoup d’éléments nous échappent. Du fait qu’il s’agit de propos recueillis, que nous ne parlons pas sa langue. Du fait aussi que des mots tels que « compassion » ou « moi » n’ont pas la même signification dans sa culture et dans la nôtre. Sa compassion n’a rien de sentimental : c’est une ouverture à l’universel.

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